Une 20e édition, un événement spécial à l’affût de lieux inusités en lien avec les projections gratuites qu’ils abritent qui se comptent au nombre de neuf, portraits multiples et états du monde, autant de films que de visions de la réalité du 9 au 19 novembre: si vous l’avez manqué on parle bien du retour des RIDM, les Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal. Alors que s’amorce la deuxième semaine du festival, retour sur une poignée de films à voir cette semaine qui partent de l’intime pour en recracher un regard posé sur des enjeux universels et contemporains.
- Ouvrir la voix, Amandine Gay
A poser sur les rétines de toute urgence, mais surtout celles de ceux qui n’ont pas encore saisi la définition et l’importance du terme intersectionnalité. Amandine Gay en donne l’illustration et le rapport si intime qu’il entretient avec le féminisme et son visage si pluriel. La structure paraît simple mais elle révèle la force du propos derrière. Face caméra, des femmes se confient sur ce que c’est d’être une femme noire en France ou en Europe francophone. La cinéaste afro-féministe élève le débat à l’image des Marianne Noires de Mame-Fatou Niang présenté dernièrement au Festival International du Film Black de Montréal.
Etats du monde – Ce soir 14 novembre à 20h
- Maman Colonelle, Dieudo Hamadi
Elle est intransigeante, mais elle a toutes les raisons de l’être avec ses hommes, car elle connaît mieux que quiconque la situation des femmes et des jeunes filles dans son pays. Honorine est colonelle de police, chargée de la protection de l’enfance et de la lutte contre les violences sexuelles au Congo (RDC). Dieudo Hamadi pose sa caméra sur une femme forte, foncièrement idéaliste malgré les horreurs dont elle témoigne au quotidien et prête à tout pour améliorer la condition des enfants accusés de sorcellerie ou des femmes victimes d’agressions lors de la Guerre des Six jours ayant opposé les armées rwandaises et ougandaises en 2000. C’est en passant le flambeau de la parole à Honorine – témoin d’histoires d’abus qui se répètent et de femmes victimes d’un corps commercial – qu’Hamadi capte l’humanisme dans son plus simple appareil.
Compétition internationale longs-métrages – Séance le 19 novembre
- The origin of trouble, Tessa Louise Pope
Là où le documentaire fait croire que l’implication personnelle ne fait pas partie des critères de son genre, le troublant The origin of trouble fracasse tout sur son passage. Le point de départ est l’ensemble des tabous qui guettent la réalisatrice dans son rapport à son père, mais ce jeu intime du cartes sur table réveillera les non-dits relationnels de quiconque possède une famille. Toujours avec humour et légèreté, presque à la manière d’un cartoon, Tessa Louise Pope explore les méandres familiaux autant que les pouvoirs réparateurs de l’oeil cinématographique. Il est celui qui lui donnera la force de prendre du recul sur son histoire et faire face à la figure paternelle avec autant de questions crues que de boules d’émotion enfouies en elle. Un film qui touche au coeur en seulement 29 minutes.
Compétition courts et moyens métrages – Séances les 15 et 17 novembre
- Taste of Cement, Ziad Kalthoum
Alors que leur pays se détruit à vue d’oeil, eux se doivent de poser chaque jour les pierres d’un nouvel édifice pour survivre dans ce nouveau pays qui leur est étranger. On ne revient pas indemne du film de Ziad Kalthoum, où les scènes alternent entre des plans paisibles d’une ville vue du haut d’un immeuble et d’autres habités par le bruit et l’horreur des décombres desquels des hommes tentent de dégager des victimes. Les scènes s’étendent, à l’image du fardeau que porte chacun de ces travailleurs, condamnés à construire un patrimoine qu’ils auraient préférés faire fleurir ailleurs. Tiré du titre de ce documentaire, le goût du ciment est assurément amer, et le cinéaste syrien a décidé de ne surtout pas ménager son audience quant à l’odeur de mort qui hante ces hommes.
Compétition internationale longs-métrages – Séance le 17 novembre
- State of Exception, Jason O’Hara
Jason O’Hara nous emmène dans les coulisses insoupçonnés de la Coupe du monde de 2014 et des Jeux Olympiques de Rio organisés en 2016. Plongeon glaçant au cœur d’une communauté autochtone dépossédée de sa terre et de ses droits les plus fondamentaux. Frôlant constamment le reportage, le documentaire du cinéaste torontois révèle au grand jour le tri social effectué lors d’événements mondiaux spéciaux. Après un court-métrage (Demur) et un film de thèse (Rhythms of Resistance) récipiendaires de plusieurs prix, O’Hara retrouve ses thèmes de prédilection: la justice sociale et environnementale. Récit d’un combat à grande échelle pour la lutte contre la discrimination envers l’ensemble des peuples autochtones.
Etats du monde – Séances les 16 et 18 novembre
- Destierros, Hubert Caron-Guay
Jamais la situation des migrants n’avait été montrée d’aussi près. Accompagné seulement de son directeur photo, Hubert Caron-Guay a suivi ceux qui chaque jour tentent leur chance en traversant la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Tourné alors que Donald Trump promettait la construction d’un mur à la frontière entre ces deux pays en tant que candidat à l’élection présidentielle des Etats-Unis, le documentaire marche sur les traces de ces hommes qui n’ont plus rien à perdre et qui se livrent à moitié dans l’obscurité sur les étapes aussi nombreuses qu’insupportables qu’ils auront à traverser avant de pouvoir seulement tenter de penser à l’avenir. Retrouvez ma critique entière de Destierros “Silence on traverse!” dans le dernier numéro de la revue Ciné-bulles (p.33).
Compétition nationale longs-métrages – Séance le 15 novembre
Crédit Photos: Site officiel des RIDM
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